« Transatlántica » : une altération des fantasmes

06 mars 2019   •  
Écrit par Maria Teresa Neira
« Transatlántica » : une altération des fantasmes

Elsa Leydier, née en 1988, a signé Transatlántica, trois projets réalisés entre 2016 et 2018 et proposant une relecture des clichés sur l’Amérique latine. Son travail est à découvrir à la galerie Intervalle, à Paris, jusqu’au 20 avril 2019.

Elsa Leydier est une artiste française vivant à Rio de Janeiro. Elle a été finaliste du Prix HSBC pour la photographie en 2018. Le pouvoir de l’image sur la représentation dominante des territoires, voici son sujet de travail favori. Transatlántica se compose de trois séries dont #elenão, qui  a été conçue lors de l’élection présidentielle de 2018, remportée par le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro. Elsa Leydier dénature des images qu’elle obtient via les moteurs de recherche en entrant le mot clé « Brésil ». Elle découvre un pays idéalisé, heureux, avec une nature luxuriante et de beaux paysages. Elle a ensuite inséré dans le code numérique de ces images des propos tenus par Bolsonaro, ouvertement homophobes, racistes et misogynes. Les vues iconiques du Brésil se retrouvent alors altérées par des interférences visuelles. Dans Braços Verdes e Olhos Cheios de Asas, elle réinterprète les fantasmes sur l’Amazonie par la manipulation des couleurs. Enfin, l’artiste utilise le même procédé dans Plátanos con platino, un travail réalisé dans le Chocó, une région extrêmement pauvre de la Colombie. « Je voulais montrer à travers ces couleurs vives la région du Chocó, souvent dépeinte de manière négative, sous un jour volontairement allègre et acidulé, explique-t-elle. J’ai également montré à quel point l’on peut instrumentaliser et manipuler les discours que l’on crée sur les territoires. »

Reconstruire un imaginaire

« L’Amérique latine est un continent qui est fait de strates différentes – historiques, culturelles, sociales – qui se sont transformées en métissages et syncrétismes. Je suis fascinée par les identités multiples, non étiquetées, puisque la pureté identitaire n’existe pas »,

révèle Elsa Leydier. Elle part vivre au Brésil après l’obtention en 2012 de son diplôme à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. C’est à ce moment qu’elle a eu un déclic : « J’ai pris conscience du pouvoir des images lorsqu’il s’agit de créer des imaginaires sur des territoires. Mais aussi de leur incapacité à traduire le réel de ces territoires. » Marquée par ce décalage entre les fantasmes autour du Brésil et la réalité du quotidien, Elsa a voulu reconstruire son propre imaginaire sur les pays de l’Amérique latine, en suivant son propre vécu. « Je voulais montrer et assumer que j’avais construit de toutes pièces un discours sur ce territoire », déclare-t-elle. En créant des images aux couleurs acides, superficielles et manipulées, l’artiste pose la question du rôle de l’image dans la construction de l’imaginaire d’un territoire. La nature tropicale qu’elle dépeint bouleverse le regard traditionnel et laisse l’imagination s’envoler. Elsa Leydier produit des images pop et luisantes, faisant remonter à sa surface la richesse des paysages tout en dénonçant la réalité politique qui se cache derrière ceux-ci.

© Elsa Leydier

© Elsa Leydier© Elsa Leydier
© Elsa Leydier© Elsa Leydier
© Elsa Leydier© Elsa Leydier

© Elsa Leydier

© Elsa Leydier© Elsa Leydier

© Elsa Leydier

© Elsa Leydier

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