Pimpineros : les chasseurs d’or noir

25 avril 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Pimpineros : les chasseurs d’or noir

Dans Pimpineros, José Castrellon, photographe venu du Panama, documente la crise humanitaire se jouant à La Guajira, une région de Colombie marquée par le trafic d’essence. Cet article est à retrouver dans le dossier de notre dernier numéro, consacré à l’Amérique latine.

Né en 1980 dans la ville de Panama, le photographe José Castrellón a pris ses premières photos à l’âge de 8 ans avec le boîtier de son père. Après avoir commencé des études de marketing à l’université, il a rapidement changé d’avis, préférant une filière consacrée au film et à la télévision. En 2001, il est entré dans le programme de photographie et d’art du Maine Media College (anciennement appelé Rockport College), aux États-Unis. « C’est là-bas que j’ai découvert l’histoire de la photographie. Ces cours ont transformé mon futur : ils m’ont guidé vers une carrière artistique, plutôt que commerciale », confie José Castrellón.

Passionné par l’anthropologie et la géopolitique, l’auteur s’est longtemps documenté sur l’histoire des pimpineros – qui font du trafic d’essence à La Guajira, en Colombie, à la frontière avec le Venezuela. « J’ai toujours rêvé d’aller là-bas, explique-t-il. On m’avait dit qu’il s’agissait d’un no man’s land connu pour sa contrebande. J’étais curieux de le voir de mes propres yeux. » En 2018, alors qu’un voyage professionnel prévu au Nicaragua est annulé, le photographe profite de cette liberté inattendue pour découvrir ce territoire colombien.

Les stations-service sont obsolètes

« J’ai réservé un hôtel à Rio Hacha, la ville principale de la région de La Guajira, et j’ai demandé si un guide pouvait me conduire dans plusieurs lieux du coin »,

raconte José Castrellón. Une véritable enquête a alors débuté au cœur de la contrebande. « Je ne pouvais pas passer beaucoup de temps avec mes modèles, puisque ce qu’ils faisaient était illégal », précise le photographe. Dans l’ombre, à toute vitesse, les événements s’enchaînaient, façonnant un récit saisissant.

De nombreux Vénézuéliens arrivent dans la région de La Guajira pour fuir la famine, la pauvreté et la crise économique. Miséreux, ces migrants se sont tournés vers le trafic d’essence pour survivre. « Mais ils ne sont pas les seuls, précise José Castrellón. Les Colombiens participent également. Les policiers, eux, ferment les yeux. » Dans cet endroit sec, évoquant l’univers de Mad Max, les stations-service sont obsolètes, l’or noir des pimpineros coûtant moins cher. Si des minorités utilisent ce trafic pour survivre, d’autres modifient de vieilles voitures afin qu’elles puissent stocker plus d’essence, et les font passer de l’autre côté de la frontière en soudoyant la police. Le reste, enfin, vole en grande quantité et revend le liquide sur le marché noir. Une crise que le photographe a capturée avec humanité. « Je n’ai rien manipulé, ni mis en scène. Tous les clichés représentent ce que j’ai observé au cours de mes déambulations. Là-bas, j’ai réalisé à quel point les pimpineros étaient ingénieux, j’espère l’exprimer dans ce projet. » Pour lui, la situation en Colombie est synonyme d’un problème régional, touchant toute l’Amérique latine : « L’inégalité, tout simplement. Elle est au cœur de nos déboires », conclut-il.

Un sujet qu’il souhaite continuer à documenter. Le photographe développe actuellement un projet commencé il y a deux ans, qui sortira sous la forme d’un livre en 2020.

 

Cet article est à découvrir dans son intégralité dans Fisheye #35, en kiosque et disponible ici.

© José Castrellón

© José Castrellón© José Castrellón

© José Castrellón

© José Castrellón© José Castrellón
© José Castrellón
© José Castrellón© José Castrellón
© José Castrellón© José Castrellón

© José Castrellón

© José Castrellón

Explorez
Dans l’œil de Kin Coedel : l'effet de la mondialisation sur les regards
© Kin Coedel
Dans l’œil de Kin Coedel : l’effet de la mondialisation sur les regards
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Kin Coedel, à l’origine de la série Dyal Thak. Dans ce projet poétique, dont nous vous parlions déjà...
22 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
© Hugo Mapelli
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
Parmi les thématiques abordées sur les pages de notre site comme dans celles de notre magazine se trouve la mode. Par l’intermédiaire de...
17 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de J.A. Young : l’hydre monstrueuse qui domine les États-Unis
© J.A. Young
Dans l’œil de J.A. Young : l’hydre monstrueuse qui domine les États-Unis
Cette semaine, plongée dans l’œil de J.A. Young. Aussi fasciné·e que terrifié·e par les horreurs que le gouvernement américain dissimule...
15 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les images de la semaine du 08.04.24 au 14.04.24 : du bodybuilding au réalisme magique
© Kin Coedel
Les images de la semaine du 08.04.24 au 14.04.24 : du bodybuilding au réalisme magique
C’est l’heure du récap‘ ! Les photographes de la semaine s'immergent en profondeur dans diverses communautés, avec lesquelles iels...
14 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #451 : la vie simple
© Melissa Alcena / Instagram
La sélection Instagram #451 : la vie simple
De la photographie de paysage à la nature morte en passant par l'autoportrait, notre sélection Instagram de la semaine est une ode...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Milena Ill
Fièvre : les remous intimes de Lorenzo Castore
© Lorenzo Castore
Fièvre : les remous intimes de Lorenzo Castore
Jusqu’au 11 mai, la galerie parisienne S. accueille le photographe Lorenzo Castore, l’un des pionniers de la nouvelle photographie...
22 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Dans l’œil de Kin Coedel : l'effet de la mondialisation sur les regards
© Kin Coedel
Dans l’œil de Kin Coedel : l’effet de la mondialisation sur les regards
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Kin Coedel, à l’origine de la série Dyal Thak. Dans ce projet poétique, dont nous vous parlions déjà...
22 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #489 : Julie Legrand et Kathleen Missud
© Julie Legrand
Les coups de cœur #489 : Julie Legrand et Kathleen Missud
Nos coups de cœur de la semaine, Julie Legrand et Kathleen Missud, ont toutes deux, au cours de leur parcours dans le 8e art, fait le...
22 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill