« Paris-Londres, Music Migrations » : l’influence de la musique

18 mars 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Paris-Londres, Music Migrations » : l’influence de la musique

Le Musée national de l’histoire de l’immigration accueille Paris-Londres, Music Migrations (1962-1989). Une exposition immersive qui donne à voir le rôle fédérateur de la musique dans un contexte politique opprimant.

1962, les empires coloniaux français et britannique s’affaiblissent. La même année, l’Algérie, la Jamaïque ou encore Trinidad deviennent indépendantes. Précipitées au rang de capitales multiculturelles, Paris et Londres accueillent un flot de migrations important. Un changement qui coïncide avec l’industrialisation de l’Europe et les premiers pas d’une jeunesse plus insouciante et libérée. Ce contexte marque le point de départ de Paris-Londres, Music Migrations (1962-1989). Organisée de manière chronologique, et couvrant trois décennies, l’exposition donne à voir le rôle primordial de la musique dans ces années marquées par l’évolution.

Si l’événement se veut historique – il a été conçu notamment par Angéline Escafré-Dublet et Martin Evans, tous deux historiens et commissaires scientifiques –, il immerge le visiteur dans un univers artistique et interactif. « Trois types de collections construisent cette exposition, précise Angéline Escafré-Dublet. L’art contemporain, les images d’archives, et les artéfacts – costumes ou instruments, par exemple. » Ces éléments, profondément symboliques, retracent l’histoire d’une immigration singulière. D’abord en marge des médias et de la culture, elle s’est frayée un chemin vers la lumière, jusqu’à utiliser la musique comme une arme, dans les années 1970. Un outil pour protester et se battre pour plus de liberté.

Si les années 1960 sont marquées par le désir de la génération Windrush (migrants arrivés des Antilles britanniques au Royaume-Uni entre 1948 et 1973) de développer leur culture, les années 1970 deviennent le théâtre d’une répression violente. Une crise économique frappe le centre de Londres, qui accueille en majorité une population défavorisée. Au même moment, le National Front – parti politique d’extrême-droite qui vise notamment les populations noires – gagne en popularité. En 1976, des violences éclatent lors du carnaval de Notting Hill (un événement culturel créé par la population afro-caribéenne de la capitale). Une atmosphère qui précipite la création de Rock Against Racism, un festival musical soutenant les minorités. En France, dans un contexte de crise économique et de chômage, à la fin des années 1970, des expulsions de jeunes immigrés et des meurtres racistes poussent les artistes des banlieues parisiennes à construire un réseau similaire, Rock Against Police (RAP), qui organise des concerts au milieu des cités.

© James Barnor / Galerie Clémentine de la Ferronière

© James Barnor / Galerie Clémentine de la Féronnière

La musique rassemble les gens

C’est la musique qui tisse des liens entre les cultures, dans les ex-empires européens. Fédératrice, elle permet aux artistes de protester, de se libérer. À Londres, le reggae et le punk se rencontrent et fusionnent. En France, le raï inspire les artistes, et le rock se métisse. Un mélange des genres qui continue dans les années 1980, avec l’arrivée, notamment, du rap. Si Paris-Londres, Music Migrations plonge le visiteur dans un passé coloré, peuplé d’accessoires, de guitares et de voix d’artistes emblématiques, les images, elles, plus brutes et touchantes, font appel à la mémoire.

Pierre Boulat photographie la vie parisienne extérieure, dès les années 1955. Un melting-pot de jeunes insouciants. Dans les années 1970, Neil Kenlock capture l’insurrection au cœur de Londres. Ses clichés, poignants, dévoilent la violence et le racisme ambiants. Quelques années plus tard, le mouvement Rock Against Racism est immortalisé par un de ses membres fondateurs, Syd Shelton, dont les images de concerts illustrent le succès et le pouvoir fédérateur de la musique. Enfin, Willy Vainqueur photographie les premiers battles de breakdance, à Aubervilliers, en 1984. Mêlées aux œuvres d’art contemporain, ces images d’archives renvoient au réel. Rythmées par les morceaux des Clash, des Négresses vertes ou encore des Rita Mitsouko, elles documentent une histoire complexe, élevée par la musique.

« C’est l’inclusion de ces différentes cultures qui nous a réunis, conclut Don Letts, artiste jamaïcain et ami de Bob Marley, dont l’œuvre est présente au Musée de l’immigration. J’ai donné ma vie à cette exposition, qui est d’autant plus d’actualité en ce moment, depuis que Donald Trump utilise la culture pour diviser les peuples. C’est une maladie, qui se propage dans le monde entier. Pourtant, elle diffuse un mensonge : car la culture rassemble les gens, il ne faut jamais l’oublier. »

 

Paris-Londres, Music Migrations (1962-1989)

Jusqu’au 5 janvier 2020

Musée national de l’histoire de l’immigration

293, avenue Daumesnil, Paris 12

© Chris Steele Perkins / Magnum photos

© Chris Steele-Perkins / Magnum Photos

© James Barnor / Galerie Clémentine de la Ferronière© James Barnor / Galerie Clémentine de la Ferronière

© James Barnor / Galerie Clémentine de la Féronnière

© Pierre Terrasson

© Pierre Terrasson

© Pierre Boulat / Musée national de l'histoire de l'immigration, Palais de la Porte Dorée Paris© Janine Niépce / Musée national de l'histoire de l'immigration, Palais de la Porte Dorée Paris

© À g. Pierre Boulat, à d. Janine Niépce / Musée national de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte dorée Paris

© Amadou Gaye - Musée national de l'histoire de l'immigration, Palais de la Porte Dorée

© Amadou Gaye / Musée national de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte dorée

© Syd Shelton© Syd Shelton

© Syd Shelton

© Ian Berry / Magnum Photos

© Ian Berry / Magnum Photos

Explorez
Les femmes s'exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
© Alessandra Meniconzi, Mongolia / Courtesy of Les femmes s'exposent
Les femmes s’exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
Le festival Les femmes s'exposent réinstalle ses quartiers dans la ville normande Houlgate le temps d'un été, soit du 7 juin au 1er...
24 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Dans l’œil de Kin Coedel : l'effet de la mondialisation sur les regards
© Kin Coedel
Dans l’œil de Kin Coedel : l’effet de la mondialisation sur les regards
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Kin Coedel, à l’origine de la série Dyal Thak. Dans ce projet poétique, dont nous vous parlions déjà...
22 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
© Hugo Mapelli
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
Parmi les thématiques abordées sur les pages de notre site comme dans celles de notre magazine se trouve la mode. Par l’intermédiaire de...
17 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de J.A. Young : l’hydre monstrueuse qui domine les États-Unis
© J.A. Young
Dans l’œil de J.A. Young : l’hydre monstrueuse qui domine les États-Unis
Cette semaine, plongée dans l’œil de J.A. Young. Aussi fasciné·e que terrifié·e par les horreurs que le gouvernement américain dissimule...
15 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les femmes s'exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
© Alessandra Meniconzi, Mongolia / Courtesy of Les femmes s'exposent
Les femmes s’exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
Le festival Les femmes s'exposent réinstalle ses quartiers dans la ville normande Houlgate le temps d'un été, soit du 7 juin au 1er...
24 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Flashs et paysages : les mondes mystiques d'lnka&Niclas
Family Portrait © Inka&Niclas
Flashs et paysages : les mondes mystiques d'lnka&Niclas
Des vagues et des palmiers rose-orangé, des silhouettes incandescentes, des flashs de lumières surnaturels dans des paysages grandioses....
24 avril 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Avec Unique, le Hangar joue la carte du singulier pluriel
© Douglas Mandry, Retardant Panels (2023)
Avec Unique, le Hangar joue la carte du singulier pluriel
La nouvelle exposition du Hangar, à Bruxelles, met en lumière une vingtaine d’artistes qui ont choisi de transformer leurs photographies...
24 avril 2024   •  
Écrit par Eric Karsenty
Concours #RATPxFisheye : lumière sur les médaillé·es
© Jeanne Pieprzownik
Concours #RATPxFisheye : lumière sur les médaillé·es
Le 3 avril 2024, le jury du concours #RATPxFisheye a désigné ses trois lauréat·es. Guillaume Blot, Jeanne Pieprzownik et Guillaume...
23 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine