Déambulations à Deauville

28 octobre 2020   •  
Écrit par Finley Cutts
Déambulations à Deauville

Jusqu’au 3 janvier, rendez-vous à Deauville pour la 11ème édition du Festival Planches Contact ! Les photographes invités posent avec brio leur regards sur le territoire normand. En privilégiant les résidences de création et les commandes publiques, Planches Contact nous invite à explorer ce lieu iconique. De Martin Parr à Todd Hido en passant par Lorenzo Castore, déambulez dans cette ville à la pointe de la photographie contemporaine!

« Le Festival Planches Contact 2020 ne révèle pas seulement la créativité et le talent des photographes, il est pour nous l’évènement qui a vaincu, malgré les difficultés d’une pandémie internationale »,

déclare le maire de Deauville, Philippe Augier. Engagé envers les artistes touchés économiquement par cette crise, le Festival résiste et sa 11e édition a été maintenue. En tournant leurs regards vers ce lieu singulier et ses alentours, les photographes nous invitent à déambuler le long de la plage.

Si la crise sanitaire et ses conséquences sur les frontières internationales ont bousculé la programmation, elle a aussi été l’occasion d’explorer de nouveaux champs de recherches. Plus que jamais, c’est le thème du contact humain qu’on retrouve ici et là, dans le travail des artistes. « Je cherche à témoigner d’une rencontre, après une privation de libertés pendant le confinement » explique Mathias Depardon pour présenter sa série Being yourself is the best revolution. Plus généralement, c’est l’amour qu’on retrouve dans cette édition 2020. En témoigne la série Gros Bisous de la Côte Fleurie du groupe de photographes Riverboom. Parsemées à travers la ville comme une bienveillante provocation, on retrouve des images de couples qui s’embrassent. Arrêt sur trois photographes phares du Festival : Martin Parr, Lorenzo Castore et Todd Hido.

© Mathias Depardon© Mathias Depardon

Comme un salut à nos voisins du nord

Invité d’honneur cette année, Martin Parr présente sa série culte The Last Resort rebaptisée Nos voisins les Anglais. En format géant sur la plage, cette exposition à la scénographie impressionnante, s’impose comme une porte vers la mer – mais aussi vers l’Angleterre ! Avec ironie, sarcasme et parfois tendresse, « il raconte la transformation des modes de vie et le développement de la société de consommation », explique Laura Serani, directrice artistique du Festival.

Véritable trompe l’œil, la dissonance entre la plage mythique de Deauville et ces images de vacanciers issus de la classe ouvrière en Angleterre provoque l’embarras. En cette année historique du Brexit, l’exposition de Martin Parr reflète l’autre côté de la Manche. Comme un salut à nos voisins du nord, l’exposition renvoie à l’absurdité de ce départ de l’Europe. En photographiant ces personnes insouciantes des années 1980 et 1990, une certaine nostalgie se crée pour cette époque où se cristallisaient tous les paradoxes so british.

© Martin Parr© Martin Parr / Magnum Photos

Une sorte de confinement volontaire !

« Le confinement était particulièrement violent pour les adolescents »

remarquait le photographe italien Lorenzo Castore. Pendant sa résidence à Deauville, il a décidé de se concentrer sur Théo et Salomé, 18 ans. « Je suis tombé amoureux de ce couple, ils me rappelaient le sentiment du premier amour – une sorte de confinement volontaire ! » explique le photographe. Pendant deux semaines, il capturait chaque instant. « Ce sont des jeunes normaux et ordinaires, dans le meilleur sens du terme », commente le photographe.

C’est cette simplicité que célèbre l’artiste, connu pour ces œuvres qui s’étendent parfois sur des années. « J’ai voulu faire un travail ouvert vers le futur, contre le cynisme et l’absence de perspective de beaucoup de jeunes aujourd’hui. Je voudrais que cette normalité périphérique inspire potentialités et rêves, en arrivant à transformer le banal en exceptionnel » déclare-t-il. Métaphore de l’espoir, de l’intimité, mais aussi d’un certain contraste social, sa série Théo et Salomé s’éloigne du format traditionnel et amène l’exposition dans la rue. En tapissant un mur d’un collage de ces images, Lorenzo Castore introduit le couple auprès des jeunes deauvillois. Un travail qui respire un air de jeunesse.

© Lorenzo Castore© Lorenzo Castore

Fusionner dans la bonne composition

« C’était réellement merveilleux de bénéficier de l’assistance et des conseils des gens du coin pour me guider dans des endroits que je n’aurais pu découvrir si j’avais été seul »

explique Todd Hido.  À découvrir dans une salle plongée dans le noir, au Point de Vue de Deauville, son œuvre Et puis, il y a eu les oiseaux résulte d’une longue méditation hivernale et contemplative. En poursuivant sa quête d’instants qui se rapportent à ses propres souvenirs, le photographe élabore une série de paysages et portraits, obscurs et mélancoliques. Inspirée par les peintres du Nord et flamands, Todd Hido puise dans la lumière normande des tonalités froides et atténuées pour sculpter ses images.

« Comme pour toute photographie, ce sur quoi on tombe par hasard est souvent ce que l’on cherchait – sauf qu’on ne savait pas avant de la voir » raconte l’artiste. À l’image du temps sévère de la côte normande en hiver, Todd Hido suggère une instabilité derrière l’apparence des paysages. En affrontant les éléments, il capture dans ses images la poésie de ces lieux irréels. Malgré le balancement incertain des paysages, presque par chance, il saisit le ton juste. « Et puis, il y a eu les oiseaux que j’ai toujours chassé avec mon appareil photo mais, d’une certaine façon, seulement à Deauville, ils ont fusionné dans la bonne composition », remarque le photographe.

Par ses installations monumentales et ses scénographies complexes, le Festival Planches Contact s’impose comme l’un des événements immanquables de la photographie contemporaine. Dans le théâtre d’un paysage toujours changeant, face à la mer, on découvre une constellation d’auteurs qui décortiquent merveilleusement les problèmes de notre temps.

 

Festival Planches Contact

Jusqu’au 3 janvier 2021

Deauville

© Todd Hido© Todd Hido

© Todd Hido © Todd Hido

© Martin Parr

© Martin Parr© Martin Parr / Magnum Photos

© Lorenzo Castore© Lorenzo Castore

© Lorenzo Castore© Lorenzo Castore

© Riverboom© Riverboom

© Riverboom

© Mathias Depardon

© Mathias Depardon

Image d’ouverture : © Mathias Depardon

Explorez
La Galerie Vu' expose les déambulations de Pia Elizondo et Juanan Requen
© Pia Elizondo / Courtesy of Galerie VU'
La Galerie Vu’ expose les déambulations de Pia Elizondo et Juanan Requen
Du 17 mai au 28 juin 2024, la Galerie Vu’ expose conjointement les travaux de Pia Elizondo autour de la perte et du deuil, et celui de...
27 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Les coups de cœur #485 : D.M. Terblanche et Juliette Seguin
© D. M. Terblanche
Les coups de cœur #485 : D.M. Terblanche et Juliette Seguin
D.M. Terblanche et Juliette Seguin, nos coups de cœur de la semaine, se servent de leur boîtier pour sonder le monde alentour. Les deux...
25 mars 2024   •  
Les images de la semaine du 18.03.24 au 24.03.24 : noir et blanc en puissance
© Sylvie Bonnot
Les images de la semaine du 18.03.24 au 24.03.24 : noir et blanc en puissance
C’est l’heure du récap‘ ! Les photographes de Fisheye capturent délicieusement les nuances de vie en noir et blanc, ou en clair-obscur....
24 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Kler : le récit tendre et radical d'une transition
© Joël Alain Dervaux
Kler : le récit tendre et radical d’une transition
Kler, états de présence est le solo show de Joël Alain Dervaux, qui suit depuis des années la transition d’un jeune homme, Kler. Avec une...
20 mars 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Courrier des photographes : à vos plumes !
© Lewis Joly
Courrier des photographes : à vos plumes !
Vous êtes photographe ou vous souhaitez le devenir ? Vous avez des questions sur cette profession qui fait rêver, mais ne savez pas où...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Dans la photothèque d'Adeline Rapon : Sophie Calle, fierté queer et Martinique
© Adeline Rapon, Lien·s, « Sterelle IV », 2023
Dans la photothèque d’Adeline Rapon : Sophie Calle, fierté queer et Martinique
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Milena Ill
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
© Benjamin Malapris
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
À l’occasion des Jeux olympiques d’été, la RATP invite de nouveau Fisheye à mettre en avant les talents émergents du 8e art. Les...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Eric Karsenty
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
04:54
© Fisheye Magazine
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Ce mois-ci, Sophie Alyz traite, avec Beak, de l’impact de l’homme sur son environnement au travers...
27 mars 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas