Entre quatre murs

02 juillet 2020   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Entre quatre murs

Dans l’ouvrage Les Enfermés, Jean-Christophe Hanché, installé à Reims, s’immisce dans des prisons ou encore des hôpitaux psychiatriques. Entre conditions déplorables et isolement insurmontable, le photographe livre un récit vibrant et sensible.

« Je termine par ce livre trois années de reportage pour le Contrôle Général des Lieux de Privation de Liberté (Autorité indépendante qui assure le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté NDLR). J’ai vécu cette commande comme un privilège. Accéder ainsi aux lieux d’enfermement, aussi longtemps que nécessaire, sans restriction d’accès, est une chance rare dans ma profession de photographe. Je me le répétais sans cesse afin de rendre compte de ce que je voyais au plus près, au plus juste, sans en rajouter ni en soustraire », introduit Jean-Christophe Hanché. Habité par le besoin constant de produire des images, ce photographe professionnel depuis 1996, ne cesse d’enchaîner des reportages aux quatre coins du monde. À l’origine du livre Les Enfermés ? Adeline Hazan, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Par ce livre, elle a désiré rendre visible ce que l’on ne peut voir. « Je souhaite que cet ouvrage joue un double rôle : donner à voir la réalité et la transformer. Il se veut à la fois un vecteur d’information et un levier pour l’amélioration de la situation des personnes privées de liberté », explique-t-elle.

© Jean-Christophe Hanché

Au cœur de l’enfermement

Autodidacte, Jean-Christophe Hanché capture des instants sur le vif, authentiques. Par cette approche, ses images content une histoire inédite et véritable. Loin des idées préconçues que la société donne à voir des prisons ou hôpitaux psychiatriques, Les Enfermés offre aux prisonniers et patients le brin d’humanité qu’ils recherchent depuis leur enfermement. Entre intimité et moments de vie, des témoignages poignants apparaissent au fil des pages. « Je n’ ai jamais eu de mauvais accueil. Les personnes détenues m’ont constamment bien accueilli. Dans les hôpitaux psychiatriques, le contact avec les patients, parfois en crise ou sous traitement lourd, était plus difficile. Mais en prenant le temps, beaucoup de temps, cela a toujours été possible de trouver une façon de travailler. La photographie nécessite, dans ma pratique, un temps d’échange bien plus long que le temps de la prise de vues », confie l’auteur. Un livre d’utilité publique qui déconstruit les archétypes d’établissements controversés, mais vitaux.

Les Enfermés, éditions Light Motiv, 36 euros, 208 p.

© Jean-Christophe Hanché© Jean-Christophe Hanché

© Jean-Christophe Hanché

« Rien qu’à écrire le mot “enfermé”, je m’effondre. C’est pesant surtout dans ma cellule le soir. Ce mot me terrifie, m’angoisse, je passe mon temps à la fenêtre pour me rassurer et espérer que mon angoisse passe pour pouvoir vite m’endormir. Chaque matin, dès l’ouverture des cellules, je suis le premier à sortir dans le couloir, c’est la fin d’une longue nuit jusqu’à la prochaine. »

Extrait de saisine adressée au CGLPL par une personne incarcérée en centre de détention.© Jean-Christophe Hanché

© Jean-Christophe Hanché© Jean-Christophe Hanché

« S’en est suivi un séjour de huit jours en isolement. D’abord, ils ont emmené plusieurs infirmiers me chercher puis m’attraper et ensuite m’emmener dans cette pièce ignoble. Ils m’ont couché, attaché de la tête aux pieds, bien sûr très serré, avec un urinoir et une main détachée quand je voulais enfin… Je vous écris, je ne pense pas être un animal. »

Extrait de saisine adressée au CGLPL par un patient hospitalisé dans un établissement de santé mentale.

© Jean-Christophe Hanché© Jean-Christophe Hanché

« Bonjour, j’aimerais que vous m’aidiez. Ça fait 5 jours que j’ai été incarcérée ; j’ai apporté des vêtements que les policiers m’ont dit de prendre quand ils sont venus me chercher à mon domicile, ça fait 5 jours + 3 jours de garde à vue que j’ai pas pu changer d’affaires. Je voulais vous dire que je me sens très sale avec une odeur que même mes codétenus sentent. Ça me fait devenir une crade alors que je ne suis pas comme cela. En liberté je faisais attention à mon hygiène et là on m’en prive. Merci de votre aide. Veuillez agréer mes salutations distinguées ».

Extrait de saisine adressée au CGLPL par une personne incarcérée en maison d’arrêt après une garde à vue.

© Jean-Christophe Hanché© Jean-Christophe Hanché

© Jean-Christophe Hanché

© Jean-Christophe Hanché

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