Dévoilez-vous, devenez drag queen !

16 juillet 2021   •  
Écrit par Finley Cutts
Dévoilez-vous, devenez drag queen !

Avec Identity Theater, l’artiste américain Ransom Ashley présente la dimension performative qui s’opère inéluctablement, mais joyeusement, dans la recherche d’identité. Ses sujets, membres de la communauté LGBTQIA+, se réapproprient leur image pour mieux projeter, dans le monde, leur réalité.

« Nous sommes tous nés nus et le reste n’est que du Drag »

, disait la drag queen américaine RuPaul, qui a connu la célébrité dans les années 1990. Le chanteur, danseur, acteur et présentateur de la compétition de télé-réalité primée RuPaul’s Drag Race, remarquait ainsi la dimension performative de notre relation à l’autre. Une déclaration qui miroite élégamment les complexités de la mise en scène photographique. Car chaque prise de vue donne à voir un regard singulier du monde, une perspective orchestrée par l’artiste pour mieux enchanter le regardeur. Et en croisant beaux-arts et mode, le photographe et acteur américain Ransom Ashley épouse  justement ce principe, concevant ses séries comme des représentations théâtrales. Avec Identity Theater, il dresse un portrait touchant la communauté LGBTQIA+ – à travers une multitude d’expériences singulières. « Mon travail a commencé comme une exploration extériorisée de ce que signifie être différent. Dans mes premiers travaux, beaucoup de mes références venaient de ma propre histoire. Mais Identity Theater a été un moyen de me connecter et de comprendre les expériences d’autres personnes de la communauté LGBTQIA+ », raconte-t-il.

Acteur de formation, Ransom Ashley s’inspire en grande partie de l’univers cinématographique, ainsi que d’autres photographes qui adoptent des démarches similaires. Mais, pour lui, la simple esthétique narrative ne suffit pas, car les sujets qu’il aborde se greffent inéluctablement à des problématiques sociétales. « J’ai toujours été attiré par les images de photographes comme Guy Bourdin et Cindy Sherman, mais j’ai tâché d’ajouter un élément documentaire à cette approche – car une grande partie de mon travail se concentre sur les histoires de personnes réelles », explique-t-il. La mission est donc double : mettre en scène une histoire visuellement appétissante afin d’intéresser le spectateur, et d’autre part, entretenir la profondeur, pour nourrir l’âme et la psyché. On découvre alors dans ses images des sujets extravagants, des mises en scène bariolées, où flottent intrigue et inquiétude. À la manière d’un Rocky Horror Picture Show, Identity Theater sublime des personnages atypiques en recherche de leur propre réalité, souvent loin de celle qui leur a été attribuée.

© Ransom Ashley© Ransom Ashley

La beauté émane de l’excentricité

« Si l’on décompose l’être humain en plusieurs couches, de l’expression extérieure à la vie intérieure, et qu’on le regarde dans son entièreté, tout s’apparente à du théâtre »

, avance Ransom Ashley. Jusqu’à venir s’introduire dans le nom de la série, l’imaginaire du théâtre donne le rythme des images et produit des scènes dynamiques. Avec des protagonistes vivants, dont la beauté émane de leurs excentricités, ses prises de vue se dressent comme autant d’emblèmes puissants d’une vie où trouver son identité revient à lutter pour son existence. Alors, chaque composition, chaque mise en scène, s’impose comme l’indice d’un combat spectaculaire, à travers le long récit qu’est la vie. « Il y a des périodes remplies de tragédie et d’autres qui ne sont définies que par le sentiment magnifique de liberté que procure l’expression de soi. En fin de compte, la recherche d’identité consiste à toujours expérimenter afin de découvrir qui l’on est. La vie n’est qu’une grande production théâtrale », reconnaît l’artiste.

À travers les positionnements marqués d’Identity Theater, et la priorité qu’il donne à l’inclusivité, Ransom Ashley propose une voie indubitablement militante. Un engagement qui va de pair avec l’exercice du médium photographique. « Donner de la visibilité aux communautés marginalisées et à leurs expériences est d’une importance cruciale… Comprendre de première main le pouvoir de la représentation a eu une grande influence sur nombre de mes projets », explique l’auteur. Car dans une recherche d’identité, il faut d’abord pouvoir s’approprier sa propre image. Une image qui ne serait pas dictée par les normes sociales ou cloisonnée par les diktats du tabou. Photographier sa différence revient ainsi à dompter sa propre personne, et mieux encore : c’est avoir la liberté de projeter à autrui, la représentation que l’on connaît intimement de nous-mêmes. « J’espère contribuer à créer une conversation autour des expériences des membres de la communauté LGBTQIA+, mais aussi documenter la dualité, souvent conflictuelle, entre le fait de se retrouver soi-même et de construire son identité », poursuit-il. Une dualité qui relève bien davantage du paradoxe que de la contradiction. Et un paradoxe qui illustre finalement les aller-retours, les hésitations et les changements de voies, que nous avons toutes et tous le droit de faire sur le chemin qui nous appartient.

© Ransom Ashley© Ransom Ashley
© Ransom Ashley© Ransom Ashley

© Ransom Ashley

© Ransom Ashley© Ransom Ashley
© Ransom Ashley© Ransom Ashley

Identity Theater © Ransom Ashley

Explorez
La Galerie Vu' expose les déambulations de Pia Elizondo et Juanan Requen
© Pia Elizondo / Courtesy of Galerie VU'
La Galerie Vu’ expose les déambulations de Pia Elizondo et Juanan Requen
Du 17 mai au 28 juin 2024, la Galerie Vu’ expose conjointement les travaux de Pia Elizondo autour de la perte et du deuil, et celui de...
27 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Les coups de cœur #485 : D.M. Terblanche et Juliette Seguin
© D. M. Terblanche
Les coups de cœur #485 : D.M. Terblanche et Juliette Seguin
D.M. Terblanche et Juliette Seguin, nos coups de cœur de la semaine, se servent de leur boîtier pour sonder le monde alentour. Les deux...
25 mars 2024   •  
Les images de la semaine du 18.03.24 au 24.03.24 : noir et blanc en puissance
© Sylvie Bonnot
Les images de la semaine du 18.03.24 au 24.03.24 : noir et blanc en puissance
C’est l’heure du récap‘ ! Les photographes de Fisheye capturent délicieusement les nuances de vie en noir et blanc, ou en clair-obscur....
24 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Kler : le récit tendre et radical d'une transition
© Joël Alain Dervaux
Kler : le récit tendre et radical d’une transition
Kler, états de présence est le solo show de Joël Alain Dervaux, qui suit depuis des années la transition d’un jeune homme, Kler. Avec une...
20 mars 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Alexandre Plaisant : les débris cosmiques qui font le monde
© Alexandre Plaisant
Alexandre Plaisant : les débris cosmiques qui font le monde
Au détour des images, il y a l’écume de la mer, le vol des oiseaux au-dessus d’une cité, des fruits murs dans une main, l’adrénaline...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Courrier des photographes : à vos plumes !
© Lewis Joly
Courrier des photographes : à vos plumes !
Vous êtes photographe ou vous souhaitez le devenir ? Vous avez des questions sur cette profession qui fait rêver, mais ne savez pas où...
28 mars 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Sophie Calle, fierté queer et Martinique, dans la photothèque d'Adeline Rapon
© Adeline Rapon, Lien·s, « Sterelle IV », 2023
Sophie Calle, fierté queer et Martinique, dans la photothèque d’Adeline Rapon
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
28 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
© Benjamin Malapris
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
À l’occasion des Jeux olympiques d’été, la RATP invite de nouveau Fisheye à mettre en avant les talents émergents du 8e art. Les...
28 mars 2024   •  
Écrit par Eric Karsenty