Le bonheur, en trois actes

07 août 2020   •  
Écrit par Anaïs Viand
Le bonheur, en trois actes

Marvin Bonheur, photographe autodidacte de 28 ans, lauréat du Prix du public Circulation(s), nous livre sa recette du bonheur en trois actes au cours d’une déambulation dans le 93. Il propose avec Trilogie du Bonheur un reportage sensible et nostalgique

La vie, la vraie. C’est-à-dire les joies, et les peines. Les surprises, et les déceptions. Les rencontres, et les conflits. À partir de l’été 2014 et durant trois ans, Marvin Bonheur est parti sur les traces de son enfance, dans le 93. « Je suis d’origine martiniquaise. Ma famille est venue s’installer en France, en 1960. J’ai grandi en Seine-Saint Denis, principalement à Aulnay-sous-Bois, dans la cité des 3000, ainsi qu’à Bondy Nord et à Aubervilliers », annonce le photographe âgé de 28 ans. Ce territoire est toute sa vie. « Il a une histoire, une architecture brute, et son aspect communautaire est génial. Beaucoup d’artistes s’en inspirent d’ailleurs », confie-t-il. Et la photographie ? En autodidacte. « J’ai appris avec le temps. J’ai naturellement été inspiré par ce qui m’entoure et m’anime ». Artiste engagé, il aime combattre l’injustice sociale et mettre en lumière « les inconnu(e)s de la société », les héros de son projet Trilogie du Bonheur, exposé au Festival Circulation(s) et publié aux éditions Revers.

“Vague”

Mon rêve est devenu réalité

« Tout a commencé en 2013, à la suite de discussions avec des collègues installés à Paris ou en province. Ils étaient bourrés d’idée préconçues sur les quartiers populaires du 93. J’ai eu le droit à plusieurs réflexions du type « Tu t’habilles bien pour un mec du 93 », ou encore : « Tu t’exprimes bien pour un mec de cité ». J’ai passé un an à essayer de débattre et prouver qu’il n’était pas si dangereux de grandir dans ces endroits ». La nostalgie du quartier a donné naissance à ses premières image, et au premier chapitre « Alzheimer ». Après le souvenir, l’auteur photographie le présent et les « personnes magnifiques » avec qui il a grandi. Le deuxième chapitre « Thérapie » a reçu un succès médiatique lui redonnant confiance en lui. De quoi poursuivre le récit qu’il complète avec le troisième et dernier acte « Renaissance ». Marvin Bonheur commente une image de ce volet, hautement symbolique : « La photo « La vie de rêve » représente l’apogée de mon travail, et un certain sentiment de revanche. Je me souviens d’une conseillère d’orientation qui, à mes 16 ans, alors que je lui avais exprimé mon envie de faire des études d’art m’avait répondu « À un moment donné, il va falloir arrêter de rêver Marvin. Aujourd’hui, je suis photographe, et j’en vis. Mon rêve est devenu réalité, et je lui dédicace cette photo ».

La vie de rêve © Marvin Bonheur

“La vie de rêve”

S’il ne se considère pas comme spécialiste du territoire, l’artiste connaît parfaitement les modes de vie et les règles de conduite basées sur le respect, et le partage. « C’est un territoire pauvre en certains points, mais beaucoup plus ouvert et chaleureux que l’on imagine. C’est aussi le meilleur centre de formation de vie », précise-t-il. En couleur, et sans artifice, Marvin Bonheur montre le 93 comme il l’a vu et le voit – avec ses défauts et ses avantages. Beaucoup de pudeur émane de ses images. Plusieurs de ses sujets, masqués, affichent une volonté claire : « rester anonyme pour se protéger d’une éventuelle caricature. C’est ainsi qu’ils contrôlent leur image. » Et dans ce projet, Marvin Bonheur contribue largement à réajuster une image souvent biaisée par la télévision. Et surtout, il nous livre sa recette du bonheur : « Savoir d’où on vient, qui on est, et où on va. »

 

Circulation(s), au Centquatre, à Paris, jusqu’au 9 août. 

La Trilogie du Bonheur, Revers éditions, 10 €

Fierté © Marvin Bonheur

“Fierté”

L'accueil © Marvin Bonheur

“L’accueil”

© Marvin Bonheur

“Clique de meufs”

© Marvin Bonheur

“Beauté intérieure”

Cortège © Marvin Bonheur

“Cortège”

La Glace © Marvin Bonheur

“La Glace”

Planète 93 © Marvin Bonheur

“Planète 93”

© Marvin Bonheur

Explorez
Dans l’œil de Kin Coedel : l'effet de la mondialisation sur les regards
© Kin Coedel
Dans l’œil de Kin Coedel : l’effet de la mondialisation sur les regards
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Kin Coedel, à l’origine de la série Dyal Thak. Dans ce projet poétique, dont nous vous parlions déjà...
22 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
© Hugo Mapelli
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
Parmi les thématiques abordées sur les pages de notre site comme dans celles de notre magazine se trouve la mode. Par l’intermédiaire de...
17 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de J.A. Young : l’hydre monstrueuse qui domine les États-Unis
© J.A. Young
Dans l’œil de J.A. Young : l’hydre monstrueuse qui domine les États-Unis
Cette semaine, plongée dans l’œil de J.A. Young. Aussi fasciné·e que terrifié·e par les horreurs que le gouvernement américain dissimule...
15 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les images de la semaine du 08.04.24 au 14.04.24 : du bodybuilding au réalisme magique
© Kin Coedel
Les images de la semaine du 08.04.24 au 14.04.24 : du bodybuilding au réalisme magique
C’est l’heure du récap‘ ! Les photographes de la semaine s'immergent en profondeur dans diverses communautés, avec lesquelles iels...
14 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Avec Unique, le Hangar joue la carte du singulier pluriel
© Douglas Mandry, Retardant Panels (2023)
Avec Unique, le Hangar joue la carte du singulier pluriel
La nouvelle exposition du Hangar, à Bruxelles, met en lumière une vingtaine d’artistes qui ont choisi de transformer leurs photographies...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Eric Karsenty
Concours #RATPxFisheye : lumière sur les médaillé·es
© Jeanne Pieprzownik
Concours #RATPxFisheye : lumière sur les médaillé·es
Le 3 avril 2024, le jury du concours #RATPxFisheye a désigné ses trois lauréat·es. Guillaume Blot, Jeanne Pieprzownik et Guillaume...
23 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Necromancer : Inuuteq Storch, mage noir au service des mythes groenlandais
© Inuuteq Storch
Necromancer : Inuuteq Storch, mage noir au service des mythes groenlandais
Dans Necromancer, un récit monochrome aux frontières du monde spirituel, Inuuteq Storch illustre les coutumes de ses ancêtres, tout en...
23 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #451 : la vie simple
© Melissa Alcena / Instagram
La sélection Instagram #451 : la vie simple
De la photographie de paysage à la nature morte en passant par l'autoportrait, notre sélection Instagram de la semaine est une ode...
23 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill