Leonard Suryajaya : « False Idol »

24 décembre 2020   •  
Écrit par Eric Karsenty
Leonard Suryajaya : « False Idol »

En mettant en scène sa famille et sa communauté, le photographe Leonard Suryajaya peint des tableaux absurdes, pour illustrer sa recherche d’identité. Une manière de faire sens de ses multiples origines et de son « étrangeté sexuelle ». Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

« La série

False Idol trouve son origine dans le désir de me définir, et de définir mon expérience de l’immigration. C’est une forme de droit de regard sur ma personne, et une manière d’exprimer ma quête pour être accepté en Amérique », explique Leonard Suryajaya, 32 ans, qui utilise la photographie, la vidéo, la performance et l’installation pour construire une œuvre complexe, riche de multiples lectures. Une œuvre hybride, à l’image de ce jeune artiste issu d’une famille bouddhiste, élevé par une nourrice musulmane et éduqué dans les écoles chrétiennes, en Indonésie, qui a émigré aux États-Unis à l’âge de 18 ans. Une période charnière au cours de laquelle son questionnement sur l’identité redouble d’intensité avec la découverte de son « étrangeté sexuelle » (« queerness »), qu’il n’ose déclarer à sa famille. « Je me suis trouvé au carrefour de différents pouvoirs, religions, cultures, philosophies, communautés et valeurs. Faire de l’art a été ma façon de traiter toutes ces forces déroutantes. J’ai développé un langage visuel à l’image de ma personnalité, de mon humour et de mon excentricité », analyse l’artiste.

Ses études à la School of the Art Institute of Chicago lui révèle son amour de la caméra : « Quand j’ai pris mon premier cours de photographie, j’ai réalisé à quel point c’était génial. Je pouvais me cacher dans la chambre noire tout seul et travailler sur mes histoires. » Un goût de la mise en scène qui le conduit à passer des heures à mettre en place son matériel et ses modèles – en premier lieu les membres de sa famille. « Mon travail est le reflet de mon expérience dans le monde. Je reconnais les forces conflictuelles qui me façonnent : mes échecs sont aussi importants que mes triomphes. La tristesse et le bonheur existent tous deux pour m’aider à naviguer dans la vie, mais le but de mes images est de vous faire envisager les différentes façons d’être, les différentes cultures. »

© Leonard Suryajaya, Dad Duck

Un mécanisme pour comprendre son passé

Le projet False Idol commence à la fin des études de Leonard Suryajaya, quand ce dernier cherche à obtenir la green card en se mariant avec Peter, son compagnon. Véritable marqueur de sa vie, ce projet se développe durant quatre ans comme un mécanisme pour comprendre son passé, et faire face aux moments difficiles : dépression, trouble alimentaire, dysmorphie corporelle, maladie de sa mère… False Idol est d’une certaine manière « thérapeutique », selon l’expression de l’artiste, qui crée des tableaux absurdes mais affectueux mettant en scène sa famille et sa communauté. Des photographies tendres et critiques, qui lui permettent d’exprimer son humanité dans toute sa complexité. Des images fonctionnant de manière cumulative qui produisent des récits. « Au départ, c’était une façon de contester le processus rigide de l’immigration. Puis False Idol a évolué pour devenir une exploration de qui je suis, d’où je viens, quelles sont mes valeurs. Je suis une meilleure personne aujourd’hui que je ne l’étais au début du projet », observe l’artiste.

Le travail de Leonard Suryajaya est collectionné et exposé dans de nombreux musées de par le monde – États-Unis, Suisse, Singapour, Grèce – et a fait l’objet de plusieurs distinctions : prix de la Fondation Aaron Siskind, prix Artadia, bourse de la Fondation Robert Giard, prix de la New Artist Society, bourse commémorative James Weinstein, prix Claire Rosen et Samuel Edes pour artiste émergent, bourse de la Fondation Santo…

 

Cet article est à retrouver dans le Fisheye #44, en kiosque et disponible ici

© Leonard Suryajaya, Good Neighbors© Leonard Suryajaya, Feminine Conference

© Leonard Suryajaya, Chinese Opera

© Leonard Suryajaya, Piggy© Leonard Suryajaya, Little Sissy

© Leonard Suryajaya, Two Bodies© Leonard Suryajaya, Communion

False Idol © Leonard Suryajaya

Explorez
La Galerie Vu' expose les déambulations de Pia Elizondo et Juanan Requen
© Pia Elizondo / Courtesy of Galerie VU'
La Galerie Vu’ expose les déambulations de Pia Elizondo et Juanan Requen
Du 17 mai au 28 juin 2024, la Galerie Vu’ expose conjointement les travaux de Pia Elizondo autour de la perte et du deuil, et celui de...
27 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Les coups de cœur #485 : D.M. Terblanche et Juliette Seguin
© D. M. Terblanche
Les coups de cœur #485 : D.M. Terblanche et Juliette Seguin
D.M. Terblanche et Juliette Seguin, nos coups de cœur de la semaine, se servent de leur boîtier pour sonder le monde alentour. Les deux...
25 mars 2024   •  
Les images de la semaine du 18.03.24 au 24.03.24 : noir et blanc en puissance
© Sylvie Bonnot
Les images de la semaine du 18.03.24 au 24.03.24 : noir et blanc en puissance
C’est l’heure du récap‘ ! Les photographes de Fisheye capturent délicieusement les nuances de vie en noir et blanc, ou en clair-obscur....
24 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Kler : le récit tendre et radical d'une transition
© Joël Alain Dervaux
Kler : le récit tendre et radical d’une transition
Kler, états de présence est le solo show de Joël Alain Dervaux, qui suit depuis des années la transition d’un jeune homme, Kler. Avec une...
20 mars 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Courrier des photographes : à vos plumes !
© Lewis Joly
Courrier des photographes : à vos plumes !
Vous êtes photographe ou vous souhaitez le devenir ? Vous avez des questions sur cette profession qui fait rêver, mais ne savez pas où...
28 mars 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Dans la photothèque d'Adeline Rapon : Sophie Calle, fierté queer et Martinique
© Adeline Rapon, Lien·s, « Sterelle IV », 2023
Dans la photothèque d’Adeline Rapon : Sophie Calle, fierté queer et Martinique
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
28 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
© Benjamin Malapris
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
À l’occasion des Jeux olympiques d’été, la RATP invite de nouveau Fisheye à mettre en avant les talents émergents du 8e art. Les...
28 mars 2024   •  
Écrit par Eric Karsenty
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
04:54
© Fisheye Magazine
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Ce mois-ci, Sophie Alyz traite, avec Beak, de l’impact de l’homme sur son environnement au travers...
27 mars 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas