« Lightning in my eyes »

"Lightning in my eyes"
Thalassa est devenue photographe il y a trois ans; elle venait d’arriver à Portland. Dans le car qui la conduisait de l’aéroport à son nouvel appart’, elle a fait une rencontre qui a changé sa vie. C’est ainsi qu’est née sa très belle série “Lightning my eyes”.

Fisheye : Quand et pourquoi es-tu devenu photographe ?

Thalassa Raasch : J’ai emménagé à Portland il y a trois ans – au moment où j’ai commencé cette série – pour m’inscrire à mon premier cours de photo. Avant mon arrivée, j’ai eu le temps de boucler en une semaine la recherche d’un appartement, mes billets d’avions et d’acheter mon appareil photo.

J’ai toujours travaillé autour de l’image – j’ai fait un peu de peinture et beaucoup de vidéo. La photographie m’a permis de renforcer ma pratique et de rencontrer des artistes qui sont devenus des proches, des collègues que j’admire. Il y a une insatiable curiosité, une folle éthique de travail, un humour étrange et beaucoup de cœur chez ces photographes avec qui je passe beaucoup de temps.

Quelle est l’histoire de « Lightning in my eyes » ?

Comme je l’expliquais plus haut, elle a commencé lorsque j’ai emménagé à Portland. Dans le bus qui me conduisait jusqu’à mon nouveau chez moi, j’ai rencontré Randy et Sarah, un des couples qui apparaît dans la série. Pendant ce trajet, ils ont été mes guides. Ils connaissaient les moindres détours de la ville, les passages souterrains, les ruelles et me décrivaient même les monuments qui défilaient derrière les vitres du bus. J’ai été frappée par leur ouverture d’esprit. Nous avons gardé contact et sommes devenus amis.

Extrait de la série "Lightning in my eyes" / © Thalassa Raasch
Extrait de la série “Lightning in my eyes” / © Thalassa Raasch

Qui sont Randy et Sara ?

Randy a 30 ans, Sara 35. Ils sont mariés depuis quatre ans. Randy a un glaucome. Il perçoit la lumière, les formes et les couleurs, mais ne voit aucun détail. Il dit que « c’est comme être coincé dans un brouillard très épais ». Sara souffre d’une choriorétinite, qu’elle définit comme « un bien long mot pour résumer les cicatrices sur mes rétines ». Tous les autres personnages sont des amis à eux qui vont et viennent tout au long de cette série.

4X5 0014X5 001Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-2Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-3Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-54X5 0014X5 001Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-8Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-9Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-10Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-11Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-12Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-13Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-144X5 0014X5 001Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-17Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-18Thalassa-Raasch-lightning-in-my-eyes-fisheyelemag-194X5 001

[Peu de temps après les avoir rencontrés] je traînais beaucoup avec eux, je les photographiais dans leur quotidien. Ils m’ont laissé dormir sur leur canapé, m’ont introduit auprès de leur groupe d’amis. À travers nos conversations, j’ai compris que la cécité est en fait une expérience visuelle à plusieurs niveaux. C’est ainsi que ce travail est né. Randy m’a dit un jour : « Pour beaucoup de gens, la cécité c’est noir ou blanc : soit tu es aveugle, soit tu ne l’es pas. Ce qu’ils ne voient pas, c’est qu’il y existe un entre-deux composé de douzaines de nuances de gris. »

C’est pour cette raison que tu as fait le choix du noir et blanc ?

Comme le disait Robert Frank, le noir et blanc c’est la couleur de la photographie ! Pour moi, photographier en noir et blanc c’est gestuel.

Est-ce que ça a été compliqué pour toi, en tant que photographe, de travailler sur la cécité ?

Le fait que Randy, Sarah et leurs amis n’aient pas totalement accès à mon travail était un problème qui a tout de suite compliqué ma relation avec la photo. C’est pourquoi j’ai intégré un texte traduit en braille dans la série : j’aspirais à déplacer la perception du spectateur vis à vis de l’image, en l’invitant à toucher et pas seulement lire ce qu’il avait sous les yeux.

Comment c’était, de travailler avec toutes ces personnes ?

On a passé beaucoup de bon temps. Ces relations ce sont formées grâce à mon métier. Je considère que la photographie est un accélérateur d’amitiés. J’ai eu avec eux des conversations très intenses – plus qu’avec n’importe lequel de mes plus proches amis.

Extrait de la série "Lightning in my eyes" / © Thalassa Raasch
Extrait de la série “Lightning in my eyes” / © Thalassa Raasch

Est-ce que le texte a pour but de créer un lien concret entre le spectateur et tes images ?

C’est le point de jonction, grâce auquel voyants et non-voyants peuvent entrer en communication. La traduction en braille est le moyen qui permet d’interroger les spectateurs, de reconsidérer leurs points de vue et leurs perspectives : et si les notions de lumière et de profondeur voulaient dire quelque chose de complètement différent ?

Combien de temps as-tu travaillé autour de ce projet ?

J’ai commencé il y a trois ans et le projet est toujours en cours ! J’espère pouvoir continuer encore plusieurs années – plus je passe du temps avec mes amis, plus le projet se renforce. Auprès d’eux, je découvre de nouvelles façons de travailler et j’apprends beaucoup.

Propos recueillis par Marie Moglia

En (sa)voir plus

→ Rendez-vous sur le site de Thalassa : thalassaraasch.com

→ Suivez-là sur Instagram: @thalalalassa

Explorez
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
© Hugo Mapelli
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
Parmi les thématiques abordées sur les pages de notre site comme dans celles de notre magazine se trouve la mode. Par l’intermédiaire de...
17 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de J.A. Young : l’hydre monstrueuse qui domine les États-Unis
© J.A. Young
Dans l’œil de J.A. Young : l’hydre monstrueuse qui domine les États-Unis
Cette semaine, plongée dans l’œil de J.A. Young. Aussi fasciné·e que terrifié·e par les horreurs que le gouvernement américain dissimule...
15 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les images de la semaine du 08.04.24 au 14.04.24 : du bodybuilding au réalisme magique
© Kin Coedel
Les images de la semaine du 08.04.24 au 14.04.24 : du bodybuilding au réalisme magique
C’est l’heure du récap‘ ! Les photographes de la semaine s'immergent en profondeur dans diverses communautés, avec lesquelles iels...
14 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
PERFORMANCE : des esthétiques du mouvement
© Nestor Benedini
PERFORMANCE : des esthétiques du mouvement
Du 6 avril au 22 septembre, l’exposition PERFORMANCE au MRAC Occitanie fait dialoguer art et sport. L’événement fait partie de...
13 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ces corps qui nous traversent : réparer notre relation au vivant
© Chloé Milos Azzopardi
Ces corps qui nous traversent : réparer notre relation au vivant
Du 6 au 28 avril, Maison Sœur accueille Ces corps qui nous traversent, une exposition qui nous inivite à repenser notre rapport au vivant.
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Photon Tide, le glitch à l'âme
© Photon Tide
Photon Tide, le glitch à l’âme
« Je voudrais que vous n'ayez pas peur de ce qui se trouve dans votre esprit, mais que vous l'embrassiez », déclare Photon Tide, ou « Pho...
19 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nicolas Jenot : le corps des machines et ses imperfections
© Nicolas Jenot
Nicolas Jenot : le corps des machines et ses imperfections
Expérimentant avec la photo, la 3D ou même le glitch art, l’artiste Nicolas Jenot imagine la machine – et donc l’appareil photo – comme...
18 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Voyage aux quatre coins du monde : la séance de rattrapage Focus !
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Voyage aux quatre coins du monde : la séance de rattrapage Focus !
De la Corée du Nord au fin fond des États-Unis en passant par des espaces imaginaires, des glitchs qui révèlent les tensions au sein d’un...
18 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine