Poésie et photolalies

22 décembre 2015   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Poésie et photolalies
Le 24 novembre dernier, le Pavillon Populaire de Montpellier inaugurait une importante rétrospective consacrée au travail du poète et photographe Denis Roche, décédé en septembre dernier. Cette exposition propose jusqu’au 14 février prochain une centaine d’œuvres, dont plusieurs tirages inédits.

« J’écris pour être seul, je fais des photos pour disparaître. » Cette phrase de Denis Roche résume en quelques mots ce qu’était son œuvre : une poésie. Nous sommes allés à Montpellier, où une très belle rétrospective lui est dédiée au Pavillon populaire. Lors du vernissage le 24 novembre dernier, nous y avons rencontré son épouse et son modèle préféré, Françoise Peyrot. Elle nous raconte l’histoire d’un cliché qu’elle adore : « C’est l’une des premières fois où il s’est amusé à jouer avec les reflets. »

© Denis Roche
© Denis Roche

Comment se distingue l’œuvre de Denis Roche ? Selon Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon populaire et commissaire de l’exposition, c’est par « l’accumulation autobiographique, la réflexion constante sur le temps [ou] la répétition amoureuse » : ce que le photographe appelait des photolalies. Denis Roche et Gilles Mora ont partagé trente ans d’amitié. Ce dernier nous a raconté comment lui et Roche ont, au départ, travaillé sur cette exposition.

Cette rétrospective, l’avez-vous imaginée avec lui ?

Absolument. Même bien avant qu’il apprenne sa maladie. Je lui ai proposé ce projet il y a un an et demi environ. Nous avions déjà travaillé tous les deux il y a quinze ans autour d’un projet similaire présenté à la Maison Européenne de la Photographie [« Denis Roche. L’épreuve du temps », 2001]. Pour celle-ci, nous avons réfléchi ensemble jusqu’au dernier moment à la scénographie, l’agencement du lieu et l’élaboration du catalogue.

Avant de devenir photographe, Denis Roche était écrivain. Est-ce que pour lui l’acte photographique était complémentaire de l’acte d’écriture ?

Non. C’était deux choses séparées. Alors, parfois, il y avait des recoupements car ce sont les mêmes thèmes qui agitent le photographe et l’écrivain, à savoir par exemple comment disposer librement du langage ou de la photographie. Le temps, la mort étaient aussi au cœur de ses réflexions. Ceci mis à part, les fonctions d’écrivain et de photographe sont bien indépendantes l’une de l’autre.

Quels principes défendait-il à travers sa pratique photographique ?

Il défendait la liberté de prise de vue dans l’utilisation quotidienne de l’appareil photo en amateur et l’idée que la photographie, on s’en saisit ! C’est certainement la façon de créer la plus libre qui soit aujourd’hui – en partie grâce aux technologies numériques. La liberté, c’est non pas de s’aligner sur les mots d’ordre de commandes, de galeries, d’institutions… Mais de créer en se libèrant de ces carcans.

L’absence, c’était une obsession pour lui ?

Oui ! Il suffit de regarder ses autoportraits. Tantôt il est là, tantôt il disparaît. Il se photographie avec sa compagne, puis dans le cliché qui suit elle est seule… Tout ça effectivement, c’est une réflexion autour de la présence et de la disparition. La photographie c’est ça :  une présence figée mais déjà effacée.

001-1983-TIRAGE-40x50-denis-roche-fisheyelemag007-1997-02a-40x50-denis-roche-fisheyelemag023-1988-12-40x50-denis-roche-fisheyelemag027-1987-31-40x50-denis-roche-fisheyelemag029-1981-01-30x40-denis-roche-fisheyelemag039-1987-09-30x40-denis-roche-fisheyelemag045-1990-14a-30x40-denis-roche-fisheyelemag049-1972-04-40x50-denis-roche-fisheyelemag053-1986-32-40x50-denis-roche-fisheyelemag063-1989-21-22-30x40-denis-roche-fisheyelemag071-1978-11a-40x50-denis-roche-fisheyelemag073-1978-02a-40x50-denis-roche-fisheyelemag

Explorez
Rastchoutchas, la pop en béquille
© Rastchoutchas
Rastchoutchas, la pop en béquille
Entre les potes, les ombres et les mâchoires animales qu’une main de matrone serre, Rastchoutchas pope toujours la même et unique soirée...
16 avril 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paolo Roversi au Palais Galliera : la mode à la lisière des songes
Guinevere, Yohji Yamamoto, Paris, 2004 © Paolo Roversi
Paolo Roversi au Palais Galliera : la mode à la lisière des songes
En ce moment même, le Palais Galliera se fait le théâtre des silhouettes sibyllines de Paolo Roversi. La rétrospective, la première qu’un...
12 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
100% L'EXPO : immersion magnétique dans l'art émergent
© Daria Svertilova, Maisons éphémères, 2023, ENSAD / Courtesy of 100% L'EXPO
100% L’EXPO : immersion magnétique dans l’art émergent
En accès libre et gratuit, le festival 100% L’EXPO revient pour une 6e édition au sein de la Grande Halle ainsi qu’en plein air dans le...
08 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Tarek Mawad et les mouvements des corps
© Tarek Mawad
Tarek Mawad et les mouvements des corps
À l’instar de ses muses, Tarek Mawad, photographe de mode germano-égyptien, est porté par un mouvement permanent.
05 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ces corps qui nous traversent : réparer notre relation au vivant
© Chloé Milos Azzopardi
Ces corps qui nous traversent : réparer notre relation au vivant
Du 6 au 28 avril, Maison Sœur accueille Ces corps qui nous traversent, une exposition qui nous inivite à repenser notre rapport au vivant.
19 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Photon Tide, le glitch à l'âme
© Photon Tide
Photon Tide, le glitch à l’âme
« Je voudrais que vous n'ayez pas peur de ce qui se trouve dans votre esprit, mais que vous l'embrassiez », déclare Photon Tide, ou « Pho...
19 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nicolas Jenot : le corps des machines et ses imperfections
© Nicolas Jenot
Nicolas Jenot : le corps des machines et ses imperfections
Expérimentant avec la photo, la 3D ou même le glitch art, l’artiste Nicolas Jenot imagine la machine – et donc l’appareil photo – comme...
18 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Voyage aux quatre coins du monde : la séance de rattrapage Focus !
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Voyage aux quatre coins du monde : la séance de rattrapage Focus !
De la Corée du Nord au fin fond des États-Unis en passant par des espaces imaginaires, des glitchs qui révèlent les tensions au sein d’un...
18 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine