Mikael Siirilä : en narration suspendue

10 janvier 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Mikael Siirilä : en narration suspendue
© Mikael Siirilä

Passionné par les techniques d’impression, Mikael Siirilä, artiste venu d’Helsinki crée, dans sa chambre noire, des images réductionnistes aussi esthétiques que mystérieuses.

« Je ne pense pas être un très bon photographe

, s’amuse Mikael Siirilä. Je ne suis motivé que par l’idée de réaliser un type d’image très précis, selon mes termes. » Se décrivant plutôt comme un « artiste de la chambre noire », le Finlandais réalise, depuis dix ans, des œuvres aux nuances crème, où se croisent silhouettes humaines, natures mortes et poésie. « La photographie et l’art de l’impression sont pour moi des manières de contempler, de réfléchir à l’existence humaine. Je souhaite donner à voir des clichés iconiques, produits d’un regard purement subjectif. C’est pourquoi je n’accepte ni projet ni commande, d’ailleurs », poursuit-il.

Des œuvres qu’il construit au moyen d’un processus réfléchi. Armé de son seul boîtier, l’auteur capte son environnement en toute discrétion, cherchant à limiter les interactions avec ses sujets. « Ontologiquement, c’est essentiel. Cela me permet d’affirmer mon statut d’étranger. Les origines d’une image, c’est l’art de regarder, pas l’imagination ou la créativité », déclare-t-il. C’est dans la chambre noire que la magie opère véritablement. Plusieurs mois après avoir pris ses photos, Mikael Siirilä développe ses négatifs, qui deviennent son matériau principal. Une distance qui lui permet de recontextualiser l’instant, de faire émerger des thèmes récurrents, de transformer « les lieux, les événements, le temps en éléments arbitraires ».

© Mikael Siirilä© Mikael Siirilä

L’au-delà du cliché

Car ce n’est pas l’histoire dans l’image qui intéresse l’artiste, mais plutôt ce qui se déroule autour de son cadre. Dans ses prises de vue, les corps n’apparaissent que coupés, les visages cachés, les objets sectionnés. Des fragments laissant une grande place au vide, à l’inexplicable. « Mes images interrogent les notions d’absence, de présence, d’étrangeté et d’identité. Pour moi, le pouvoir d’une photographie est de suspendre la narration, de figer quelque chose, de manière silencieuse, non verbale. Ainsi, j’enlève toute identification possible pour souligner cette dimension », explique l’auteur. Et, face à cette absence de sens, le regardeur doit se tourner vers « l’au-delà du cliché » pour comprendre. Sentir les rebords, découvrir l’invisible qui entoure un élément. Sorties de leur contexte, les scènes deviennent des bulles attendant d’être remplie par ce quelque chose d’aussi puissant que mystérieux.

Sensible à la poésie, Mikael Siirilä se plaît à comparer les vers littéraires aux poèmes visuels. « Dans les deux cas, les auteurs jouent avec le langage, et sont très conscients du caractère pictural de leurs œuvres. Ils entendent mettre le spectateur à l’épreuve, le pousser à réfléchir, à découvrir. Mais je crois que l’art visuel est bien plus nuancé, plus universel que les mots », poursuit-il. Dans une recherche constante de brillance, le photographe fait de chaque création un tableau marquant, où les sujets glissent, s’échappent. Une scène où le néant qui s’installe ne fait que renforcer la force des détails. Une mosaïque au grain prononcé dont les nuances apaisantes nous invitent à nous perdre dans la contemplation, à la recherche de ce qu’on ne montre pas.

 

© Mikael Siirilä

© Mikael Siirilä

© Mikael Siirilä© Mikael Siirilä

 

© Mikael Siirilä

 

© Mikael Siirilä

© Mikael Siirilä

© Mikael Siirilä© Mikael Siirilä

© Mikael Siirilä

Explorez
10 séries autour de la fête pour célébrer la nouvelle année
© Eimear Lynch
10 séries autour de la fête pour célébrer la nouvelle année
Ça y est, 2025 touche à sa fin. Dans quelques jours, un certain nombre d’entre nous célèbreront la nouvelle année avec éclat. À...
27 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Concours de beauté, métropoles et intimité : nos coups de cœur photo de décembre 2025
© Carla Rossi
Concours de beauté, métropoles et intimité : nos coups de cœur photo de décembre 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
24 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le 7 à 9 de Chanel : Claire Denis et la fabrique du monde
Tracey Vessey, extrait du film Trouble Every day, film de Claire Denis, Paris, 2001 © Rezo Productions
Le 7 à 9 de Chanel : Claire Denis et la fabrique du monde
Pour ce nouveau 7 à 9 de Chanel au Jeu de Paume, la scénariste et réalisatrice Claire Denis était invitée à revenir sur ses racines, ses...
22 décembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
Les images de la semaine du 15 décembre 2025 : hommage, copines et cartes postales
© Ashley Bourne
Les images de la semaine du 15 décembre 2025 : hommage, copines et cartes postales
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, nous rendons hommage à Martin Parr, vous dévoilons des projets traversés par l’énergie d’une...
21 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 22 décembre 2025 : neige, enfance et cinéma
Emcimbini de la série Popihuise, 2024 © Vuyo Makheba, Courtesy AFRONOVA GALLERY
Les images de la semaine du 22 décembre 2025 : neige, enfance et cinéma
C’est l’heure du récap ! Au programme cette semaine : l’éclat ivoire des premiers flocons pour le solstice d’hiver, un retour sur la...
28 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
10 séries autour de la fête pour célébrer la nouvelle année
© Eimear Lynch
10 séries autour de la fête pour célébrer la nouvelle année
Ça y est, 2025 touche à sa fin. Dans quelques jours, un certain nombre d’entre nous célèbreront la nouvelle année avec éclat. À...
27 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de Marilia Destot : mémoire entre ciel et mer
© Marilia Destot / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Marilia Destot : mémoire entre ciel et mer
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Marilia Destot. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste expose ses Memoryscapes à Planches...
26 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Vuyo Mabheka : de brouillon et de rêve
Indlela de la série Popihuise, 2021 © Vuyo Makheba, Courtesy AFRONOVA GALLERY
Vuyo Mabheka : de brouillon et de rêve
Par le dessin et le collage, l'artiste sud-africain Vuyo Mabheka compose sa propre archive familiale qui transcrit une enfance solitaire...
25 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine