L’appel d’une forêt perdue

29 octobre 2020   •  
Écrit par Finley Cutts
L'appel d'une forêt perdue

Dans Naturalia, le photographe suisse Massimiliano Rossetto dépeint la rencontre violente entre la nature et le paysage urbain. Par la collection méticuleuse de fragments de nature, l’auteur fabrique le récit d’un monde dystopique.

« Venant d’un petit village rural, il est évident que vivre dans l’une des plus grandes capitales européennes a un impact significatif sur ma santé mentale en raison du manque de nature »

raconte Massimiliano Rossetto. Dès son plus jeune âge, le photographe suisse s’est imprégné du 8ème art pour documenter sa famille – une manière de ne rien laisser s’échapper. « C’était très émouvant de regarder les photos de l’album de famille et de voir un vide entre mes 8 et 13 ans. Je pense que c’était inconsciemment une des premières raisons de commencer à prendre des photos » se souvient-il. Comme un remède, la photographie est ensuite devenue un moyen de retrouver des fragments de nature. Intimement touché par l’immense contraste entre la ville et sa campagne natale, l’artiste s’intéresse à l’anthropocène, la durabilité et l’environnement.

Avec pour point de départ l’emprise de l’homme sur la nature, Massimiliano Rossetto mène un projet au long cours intitulé Naturalia. « Ma pratique artistique se concentre sur des espaces ou des objets qui ont été construits, détruits et modifiés par l’activité humaine », explique l’artiste. Il arpente quotidiennement les rues chaotiques de Berlin à la recherche de ces morceaux de nature. Comme des lueurs d’espoir, ces images se conjuguent avec les souvenirs des forêts et lacs de son enfance. Par son regard sincère, il dresse un portrait géologique intime de ce qu’il voit et ressent autour de lui.

© Massimiliano Rossetto© Massimiliano Rossetto

Faire coexister deux mondes opposés

Bunkers laissés à l’abandon, arbres aux traits humains, ou bâtiments aux formes primitives, les images de Massimiliano jouent avec la frontière du naturel et de l’artificiel. En opposant « la nature naturelle » et « la nature artificielle » – celle qu’on retrouve en ville – il souligne l’absurdité des constructions humaines, mais montre aussi l’impuissance de cette distinction. Natures artificielles ou artifices naturelles ? Véritable tentative de faire coexister deux mondes opposés, Naturalia cherche la stabilité entre un hommage à la nature et une réalité tristement dystopique.

D’une manière quasi-scientifique, mais toujours teintée de mélancolie, le photographe souligne les paradoxes qui se cachent derrière ses idéaux. À la recherche d’un travail durable et éco-responsable, il trouve dans certains matériaux la cristallisation du problème. En témoignent ses images de planètes faites de béton, allégories de ce à quoi pourrait ressembler l’avenir. « C’est un matériau incroyable, composé de sable, de gravier, de ciment et d’eau. Ces éléments, tous naturels, forment une pierre artificielle. Dans le sens qu’il durera des années, c’est un matériau solide et durable. En même temps, c’est l’un des matériaux de construction les plus polluants », explique Massimiliano Rossetto. Comme un funambule, marchant sur le fil qui sépare nature et ville, l’artiste cherche l’équilibre, et nous invite à faire de même.

© Massimiliano Rossetto

© Massimiliano Rossetto© Massimiliano Rossetto
© Massimiliano Rossetto© Massimiliano Rossetto

© Massimiliano Rossetto

© Massimiliano Rossetto© Massimiliano Rossetto
© Massimiliano Rossetto© Massimiliano Rossetto

© Massimiliano Rossetto© Massimiliano Rossetto

© Massimiliano Rossetto

Explorez
Avec Unique, le Hangar joue la carte du singulier pluriel
© Douglas Mandry, Retardant Panels (2023)
Avec Unique, le Hangar joue la carte du singulier pluriel
La nouvelle exposition du Hangar, à Bruxelles, met en lumière une vingtaine d’artistes qui ont choisi de transformer leurs photographies...
24 avril 2024   •  
Écrit par Eric Karsenty
La sélection Instagram #451 : la vie simple
© Melissa Alcena / Instagram
La sélection Instagram #451 : la vie simple
De la photographie de paysage à la nature morte en passant par l'autoportrait, notre sélection Instagram de la semaine est une ode...
23 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Ces corps qui nous traversent : réparer notre relation au vivant
© Chloé Milos Azzopardi
Ces corps qui nous traversent : réparer notre relation au vivant
Du 6 au 28 avril, Maison Sœur accueille Ces corps qui nous traversent, une exposition qui nous inivite à repenser notre rapport au vivant.
19 avril 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Les éternels éphémères : des abeilles et des hommes
© Maewenn Bourcelot
Les éternels éphémères : des abeilles et des hommes
C’est un monde sublime et violent, enchanté et tragique, énigmatique et d’une évidence terrible. Avec Les Éternels Éphémères, la...
18 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
© Carolle Bénitah
Quand les photographes utilisent la broderie pour recomposer le passé
Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Elie Monferier : le filon au bout de l’échec
© Elie Monferier
Elie Monferier : le filon au bout de l’échec
Imaginé durant une résidence de territoire au cœur du Couserans, en Ariège, Journal des mines, autoédité par Elie Monferier, s’impose...
25 avril 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les femmes s'exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
© Alessandra Meniconzi, Mongolia / Courtesy of Les femmes s'exposent
Les femmes s’exposent à Houlgate pour une nouvelle édition !
Le festival Les femmes s'exposent réinstalle ses quartiers dans la ville normande Houlgate le temps d'un été, soit du 7 juin au 1er...
24 avril 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Flashs et paysages : les mondes mystiques d'lnka&Niclas
Family Portrait © Inka&Niclas
Flashs et paysages : les mondes mystiques d'lnka&Niclas
Des vagues et des palmiers rose-orangé, des silhouettes incandescentes, des flashs de lumières surnaturels dans des paysages grandioses....
24 avril 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas