Voir la guerre et faire la paix : rêver du monde d’après

20 janvier 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
Voir la guerre et faire la paix : rêver du monde d'après
Jusqu’au 19 février, le Centre Pompidou accueille la 18e édition du festival Hors Pistes, qui a pour thème Voir la guerre et faire la paix. Les artistes présenté·es y questionnent nos imaginaires de la guerre et de la paix à travers l’image en mouvement et imaginent, avec audace, l’avenir dans un monde pacifié.
Chaque année, le festival Hors Pistes plonge dans le monde de l’image en mouvement pour cerner les enjeux qui le traversent et qui inspirent les artistes contemporain·es. Voir la guerre et faire la paix est le puissant titre de cette édition, qui donne à voir ce que nos yeux, par confort, préfèrent souvent effacer. À travers une pluralité de supports – exposition, performances, projections, spectacles – nous plongeons au cœur de ce qui chamboule le monde actuel : l’omniprésence du conflit. Sans surprise, la guerre et la paix s’imposent alors comme les notions que les artistes placent au centre du débat, en étudiant tantôt leurs évolutions tantôt les imaginaires que nous en avons.
Une collection de travaux – souvent inédits – de plusieurs vidéastes et photographes. Parmi elleux ? Émeric Lhuisset, Hélène Mutter, Arnaud Dezoteux et Celsian Langlois, Thibault Brunet, François Fontaine, Kapwani Kiwanga et Orianne Ciantar Olive. Tous·tes nous invitent à analyser la manière dont nous recevons les images de guerre de nos jours : tremblantes, amateures, cadres imparfaits, publications sur les réseaux sociaux affichant des contenus de plus en plus sombres et terriblement réels… Elles nous prouvent que les civil·es racontent désormais ces nouvelles guerres en direct. « On assiste à une transformation de la représentation de la guerre, où l’image amateur prédomine le paysage visuel. Ces images prennent place dans nos quotidiens, explique la Chargée de programmation Géraldine Gomez. Existe-t-il la même évidence pour les images de “paix” ? Est-ce justement parce que celle-ci n’est pas représentée qu’elle ne peut être envisagée ? » Autant de questionnements essentiels pour construire l’avenir. Plus que dans le fait de regarder la guerre se déployer, l’audace consisterait alors à sortir la paix de son statut d’utopie…
Hélène Mutter

© Hélène Mutter, Military Sunset © Joseph Joseph – ECPAD – Défense

Imaginer un monde pacifié

Aux racines deVoir la guerre et faire la paix, Géraldine Gomez et Mathieu Potte-Bonneville, directeur du département culture et création du Centre Pompidou, s’interrogent : mettons-nous autant d’efforts dans l’imagination des guerres que des paix à venir ? Dans Minecraft Explorer l’artiste Thibault Brunet reconstruit un monde virtuel pour mieux apprivoiser le monde réel grâce à l’image en mouvement. Tel un projet d’architecte, ce travail essaie de décortiquer les règles régissant l’univers numérique pour pouvoir appréhender ce qui nous entoure. Un véritable laboratoire au sein duquel on met à l’épreuve les notions de fraternité, de frontières, de voisinage, d’ennemi·es – autant de mots qui composent le lexique de l’actualité. Pour le festival Hors Pistes, Minecraft Explorer propose trois missions scientifiques virtuelles qui ont pour but de décortiquer les relations sociales nous menant au conflit mais surtout, d’agir d’une façon externe afin de comprendre les mécanismes de la paix.

Un travail faisant écho à celui d’Orianne Ciantar Olive, qui, dans son installation À cœur, raconte le quotidien de celles et ceux que la guerre a privé d’intimité. Les jeunes ukrainien·nes pris·es au piège d’une guerre terrifiante donnent à voir leur quotidien grâce au smartphone, instrument devenu central dans la narration du conflit. Montrer la guerre sans la montrer c’est décentrer le regard, selon Orianne Ciantar Olive. Mais c’est aussi une tentative de briser le cycle de la terreur pour se concentrer sur ce qui reste de pacifique dans des territoires martyrisés : des amours, des baisers, les rires malgré tout, postés sur les réseaux comme pour affirmer qu’il y aura bel et bien un après. « Briser le cycle de la violence est une quête qui se joue dans le spectre du recommencement permanent, écrit la photographe. Pourtant, la question du futur finit toujours par y apparaître dans les silences, qui ne font que changer de sens. »  Une tension également exprimée par Hélène Mutter, qui dans Military Sunset compose un continuum d’images produites par des militaires en zone de guerre : face au soleil couchant, iels semblent nous interpeller sur la possibilité d’un monde pacifié.

Orianne Ciantar

© Orianne Ciantar Olive

Thibault Brunet

Minecraft Explorer, Sans titre © Thibault Brunet

Emeric LhuissetEmeric Lhuisset

Émeric Lhuisset, L’Obier rouge, 2023 © Émeric Lhuisset

Photo d’ouverture : Hélène Mutter, Military Sunset © Joseph Joseph – ECPAD – Défense

Explorez
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
© Benjamin Malapris
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
À l’occasion des Jeux olympiques d’été, la RATP invite de nouveau Fisheye à mettre en avant les talents émergents du 8e art. Les...
À l'instant   •  
Écrit par Eric Karsenty
La France sous leurs yeux : un kaléidoscope de 200 regards à la BnF
© Marie Quéau / Grande commande photojournalisme
La France sous leurs yeux : un kaléidoscope de 200 regards à la BnF
À partir du 19 mars 2024, la Bibliothèque Nationale de France réunit 200 regards de photographes et autant de sujets inédits, au...
26 mars 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Les Rencontres Arles dévoilent le programme de leur 55e édition !
© Équipement, lunettes de protection, flash aveuglant, 1974.
Les Rencontres Arles dévoilent le programme de leur 55e édition !
Les Rencontres d’Arles ont dévoilé le programme de leur 55e édition, qui sera portée par le thème Sous la surface. L’évènement...
25 mars 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Icônes : les images fantasmées : le musée l’Image interroge les représentations
Cassius Clay (Mohamed Ali) et les Beatles, Miami, février 1964 © TopFoto / Roger-Viollet
Icônes : les images fantasmées : le musée l’Image interroge les représentations
Jusqu’au 22 septembre 2024, le musée de l’Image d’Épinal accueille Icônes : les images fantasmées. Par le biais d’un parcours historique...
21 mars 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
© Benjamin Malapris
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
À l’occasion des Jeux olympiques d’été, la RATP invite de nouveau Fisheye à mettre en avant les talents émergents du 8e art. Les...
À l'instant   •  
Écrit par Eric Karsenty
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
04:54
© Fisheye Magazine
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Ce mois-ci, Sophie Alyz traite, avec Beak, de l’impact de l’homme sur son environnement au travers...
27 mars 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La Galerie Vu' expose les déambulations de Pia Elizondo et Juanan Requen
© Pia Elizondo / Courtesy of Galerie VU'
La Galerie Vu’ expose les déambulations de Pia Elizondo et Juanan Requen
Du 17 mai au 28 juin 2024, la Galerie Vu’ expose conjointement les travaux de Pia Elizondo autour de la perte et du deuil, et celui de...
27 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Sergey Skip : sortir de l’œil des maîtres
© Sergey Skip
Sergey Skip : sortir de l’œil des maîtres
L’œil est double, trouble, dans un carcan flou de pourpre et de violet. Il fixe l’objectif autant qu’il s’en détourne. Était-ce un...
27 mars 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin