Jusqu’au 5 mars 2023, dans le prolongement de Vent, sa précédente exposition, le musée d’art moderne André Malraux nous invite à contempler les météores et ces objets météorologiques qui façonnent le temps et les jours. Véritable ode au climat, l’institution en souligne toute la beauté dont il faut profiter avant qu’elle ne soit balayée par le souffle des changements.

Situé au Havre et bordant la mer, le MuMa aime à composer des expositions qui se répondent, toujours en adéquation avec son panorama. À l’été, il présentait « le vent, cela qui ne peut être peint ». Invisible, son mouvement ne peut se voir qu’au travers de menus détails, du frémissement des objets qu’il effleure sur son passage. Dans ce second volet, le musée s’intéresse à celles et ceux qui, animés par le même désir que Claude Monet qui « [voulait] peindre l’air », emploient les nuages à cet effet. Par le prisme de leurs compositions, peintres, dessinateurs, vidéastes et photographes cristallisent les brouillards, la rosée, les pluies et la gelée blanche qui parent le paysage d’émotions sensibles. Les œuvres contemporaines entament alors un dialogue avec les toiles de Raoul Dufy, d’Eugène Boudin et d’Auguste Renoir, issues des collections permanentes de l’institution. De ce jeu de résonnance jaillissent de multiples représentations d’un instant fugitif qui relève presque de l’intelligible.

Suspendre le vol de l’éphémère

Dans le tumulte des époques, les œuvres de Météorologiques déploient une poésie hors du temps, qui souligne une inclination partagée pour les phénomènes atmosphériques. Photographe marcheur, Éric Bourret arpente les forêts pour saisir les mouvements des arbres dont le feuillage commun devient pareil à une énorme masse, verte et vaporeuse, sur un seul et unique négatif. De cette superposition incontrôlée naissent des tableaux marqués par l’abstraction. À quelques pas, les cyanotypes de Josef Nadj, élaborés à partir de graviers prélevés sur le bord de chemins, évoquent les étoiles filantes ou vagabondes de galaxies lointaines. Les nuances des Mimosas de Sarah Moon semblent s’étirer dans les ravages d’une tempête vers un horizon qui dépasse le cadre même de l’image.

D’autres artistes, à l’instar de Bernard Plossu, qui achève le parcours, décline cette approche du flou. Ses clichés semblent animés par un souffle léger qui caresse les sujets avec douceur. Dans une esthétique plus minimaliste, Jungin Lee préfère immortaliser les nuages dans toute leur simplicité quand Massao Yamamoto suspend le vol de l’éphémère – qu’il se traduise par un oiseau dans le ciel ou une vapeur évanescente – à l’aide de petits formats, également monochromes. Enfin, Israel Ariño s’intéresse au poids métaphorique que nous associons aux endroits qui abritent des souvenirs. Telle une brume de réminiscences qui s’étend jusqu’à envahir notre esprit, il influe sur nos états d’âme aussi impermanents que le climat.

Jungjin LEE, # 41 Unnamed road, 2010, tirage jet d’encre pigmentaire, 5/7, 51 x 100 cm © Jungjin Lee/ courtoisie Galerie Camera Obscura, Paris

Josef NADJ, Inhancutilitatem, 2015, cyanotype, 48 x 48 cm, © Joseph Nadj/ courtoisie Galerie Camera Obscura, Paris
Sarah MOON , Les Mimosas, 2021, tirage charbon couleur, 74 x 57 cm, collection particulière, courtoisie galerie Camera Obscura, Paris © Sarah Moon / courtoisie Galerie Camera Obscura, Paris ©ADAGP, Paris, 2022

à g. Josef NADJ, Inhancutilitatem, 2015, cyanotype, 48 x 48 cm, © Joseph Nadj/ courtoisie Galerie Camera Obscura, Paris, à d. Sarah MOON , Les Mimosas, 2021, tirage charbon couleur, 74 x 57 cm, collection particulière, courtoisie galerie Camera Obscura, Paris © Sarah Moon / courtoisie Galerie Camera Obscura, Paris ©ADAGP, Paris, 2022

Eric BOURRET, Primary Forest. Madère, 2016, tirage jet d’encre sur papier mat, 140 x 210 cm, collection de l’artiste © Eric Bourret

Bernard PLOSSU, Françoise à Alméria, 1987, tirage argentique, 30 x 24 cm, collection de l’artiste © Bernard Plossu

Image d’ouverture © Bernard Plossu