« The Spectre » : l’esprit de la forêt

29 novembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« The Spectre » : l’esprit de la forêt

Dans le cadre du parcours photographique PhotoSaintGermain, la Maison de l’Amérique latine accueille The Spectre, de Miguel Rothschild. Un artiste posant un regard poétique et philosophique sur la nature.

D’origine argentine, Miguel Rothschild vit à Berlin depuis le début des années 1990, où il développe une œuvre complète, mêlant installation, sculpture, verre, matière organique et photographie. Dans le cadre du parcours photographique PhotoSaintGermain, il a accroché son Spectre au cœur de la Maison de l’Amérique latine. Un travail plastique aussi troublant que fascinant. Il y a, dans l’œuvre de l’auteur, un désir de célébrer la poésie. Celle des grands écrivains, comme celle des hasards qui jonchent notre quotidien. Inspiré par la littérature et la peinture, l’artiste développe des projets aux frontières de l’imaginaire.

« J’ai commencé à utiliser le 8e art comme un outil qui me permet de jouer avec des images de la réalité pour les transformer », confie-t-il d’ailleurs à Béatrice Andrieux, la commissaire de l’exposition. En contemplant The Spectre, le visiteur est invité à lâcher prise, à s’approcher, à s’immerger dans l’image, à la recherche de ce lyrisme que Miguel Rothschild affectionne. Les photographies qui composent cette série représentent toutes un nuage de fumée dont l’évolution effraie autant qu’elle intrigue. « J’ai été fasciné par les formes engendrées par ce feu de forêt dans la campagne de Grenade, en Espagne. Je les percevais si intensément qu’elles me faisaient penser à des esprits, comme sortis de l’intérieur du paysage », explique-t-il.

Un dialogue avec la photographie

Pour l’artiste, chaque élément naturel possède une âme. Un détail qu’il s’acharne à représenter dans ses créations. Ici, les clichés de paysages sont brûlés au chalumeau. Les marques, formant des graphismes dans les branches des arbres, révèlent le goût de l’auteur pour le pictural. Les motifs transforment le papier, lui donnant l’apparence du cuir, du métal ou même de la feuille d’or en fonction des rayons lumineux. Seule la fumée, blanche et aérienne, est laissée intacte, voguant, à la manière d’un esprit, librement au-dessus de la forêt. Au centre de la salle d’exposition, une vitre transparente diffuse elle aussi un nuage brumeux – miroir d’un être emprisonné, essayant en vain de s’échapper. Une installation aux multiples lectures.

On devine un goût pour la minutie, une patience acharnée de la part de Miguel Rothschild, qui fait de chacune de ses images des créations uniques. Si ce dernier ne prétend pas réaliser des œuvres aux dimensions écologiques, les parallèles demeurent évidents. Ici, les feux sont maîtrisés, utilisés par les hommes avec précaution, pourtant ils évoquent les désastreux incendies d’Amazonie, et tentent de nous avertir des conséquences d’un manque de respect envers la nature. Ses calligraphies abstraites, inscrites dans le papier à l’aide d’une flamme, dévoilent à la fois une certaine violence et un goût pour le mysticisme ; ou du moins une profonde admiration des éléments. « Je ne prétends pas évoquer une pratique religieuse, mais simplement poser un regard poétique », avertit-il. Quoi qu’il en soit, fragiles et impénétrables, ses volutes de fumée semblent émaner de l’esprit des lieux, jouant tour à tour le rôle de protecteur et de destructeur. Une représentation allégorique de l’emprise de l’Homme sur son environnement.

 

The Spectre

Jusqu’au 10 janvier 2019

Maison de l’Amérique latine

217 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris

© Miguel Rothschild

© Miguel Rothschild

Explorez
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
04:54
© Fisheye Magazine
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Ce mois-ci, Sophie Alyz traite, avec Beak, de l’impact de l’homme sur son environnement au travers...
27 mars 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Laure Winants expose From a Tongue We Are Losing à Foto Arsenal Wien
© Laure Winants
Laure Winants expose From a Tongue We Are Losing à Foto Arsenal Wien
Jusqu’au 23 juin 2024, Foto Arsenal Wien accueille From a Tongue We Are Losing, une série expérimentale sur l’environnement signée Laure...
26 mars 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Andreï Tarkovski, écosystèmes et délires psychiques, dans la photothèque de Chloé Milos Azzopardi
Un shooting rêvé ? © Chloé Milos Azzopardi
Andreï Tarkovski, écosystèmes et délires psychiques, dans la photothèque de Chloé Milos Azzopardi
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
21 mars 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Corps de brume : la houle sentimentale de Sylvie Bonnot
© Sylvie Bonnot
Corps de brume : la houle sentimentale de Sylvie Bonnot
Un souffle étrange traverse les images composées par Sylvie Bonnot. Un souffle qui soulève la peau du monde qu’elle regarde et nous...
21 mars 2024   •  
Écrit par Eric Karsenty
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Courrier des photographes : à vos plumes !
© Lewis Joly
Courrier des photographes : à vos plumes !
Vous êtes photographe ou vous souhaitez le devenir ? Vous avez des questions sur cette profession qui fait rêver, mais ne savez pas où...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Dans la photothèque d'Adeline Rapon : Sophie Calle, fierté queer et Martinique
© Adeline Rapon, Lien·s, « Sterelle IV », 2023
Dans la photothèque d’Adeline Rapon : Sophie Calle, fierté queer et Martinique
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Milena Ill
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
© Benjamin Malapris
La RATP invite Fisheye : décathlon en mode travelling 
À l’occasion des Jeux olympiques d’été, la RATP invite de nouveau Fisheye à mettre en avant les talents émergents du 8e art. Les...
28 mars 2024   •  
Écrit par Eric Karsenty
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
04:54
© Fisheye Magazine
Focus #71 : Sophie Alyz et les oiseaux qui prennent le train
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Ce mois-ci, Sophie Alyz traite, avec Beak, de l’impact de l’homme sur son environnement au travers...
27 mars 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas