America, Americas, premières amours d’Alain Keler

11 mars 2021   •  
Écrit par Eric Karsenty
America, Americas, premières amours d'Alain Keler

La Fisheye Gallery accueille, du 11 mars au 30 avril 2021, America. Une exposition monochrome d’Alain Keler capturant un continent, et ses récits, à travers les âges. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

« Je suis arrivé aux États-Unis le 3 avril 1971 pour les beaux yeux d’une jeune Américaine »

, rapporte Alain Keler, encore ému par le souvenir du jeune homme de 26 ans qui avait déjà pas mal voyagé en Asie et au Moyen-Orient. En débarquant à New York, il découvre alors un nouveau monde et un univers familier. Un monde façonné par les clichés des photographes qu’il admire : Henri Cartier-Bresson, Walker Evans et bien d’autres… L’amour de la photographie était certainement encore plus fort, et c’est sans doute lui qui est à l’origine de la carrière de cet auteur attachant qui sera distingué, vingt-six ans plus tard, par le prestigieux prix Eugène Smith, en 1997. Mais ne brûlons pas les étapes… Pour l’heure, le jeune homme collectionne les petits boulots, serveur dans des restaurants et des night-clubs tandis que, le week-end, « le démon de la photographie reprenait le dessus et j’arpentais les rues et les parcs de la ville à la recherche de photos à prendre », confie-t-il.

© Alain Keler / Myop

Une Amérique rêvée autant que réelle

Festivités à Central Park où se tient le 450e anniversaire de la capitale de Porto Rico, San Juan, l’occasion de croquer une scène où des femmes noires dansent, fières et nonchalantes, avec fanion dans les cheveux et pipe au bec. Plus loin, ce sont d’autres femmes que le photographe découvre: trois vieilles dames blanches aux lunettes strictes et cheveux gris, assises derrière une table dont la toile cirée fleurie fait écho à l’imprimé de leurs robes printanières. Alain Keler traîne aussi dans le métro, où il capte l’ennui et la fatigue de travailleurs harassés. Des images qui contrastent avec celle d’un personnage coiffé d’un haut-de- forme saisi dans une lumière rasante, devant sa voiture de luxe. Plus loin, c’est une parade pour l’inauguration du deuxième mandat de Nixon où un soldat semble perdu dans une jeep envahie par un parterre de fleurs. Parfois, ce sont des personnes âgées photographiées avec tendresse, des images où Alain Keler semble penser à ses parents, « timides acteurs de cette terre où, à force de travail, ils purent être respectés pour ce qu’ils étaient, de modestes artisans talentueux et honnêtes », confie-t-il.

Ces photos inédites, exposées pour la première fois sur les murs de la Fisheye Gallery, font partie d’un lot d’une quarantaine de films oubliés – certains développés dans les années 1990, d’autres contactés lors du confinement de mars 2020. Soit presque un demi-siècle de latence pour révéler une Amérique bien loin de celle que l’on peut voir aujourd’hui. Une Amérique rêvée autant que réelle, transfigurée par le regard du jeune Alain Keler qui s’interrogeait à l’époque. « Est-ce que la photographie est un art ? Je posais la question sans doute naïvement à Walker Evans, dans une soirée où il donnait une conférence dans la très chic banlieue du nord de New York. Je ne connaissais pas encore tous les tenants et aboutissants de cet univers que j’allais bientôt fréquenter. “La photographie, me répondit-il, est un art lorsque le photographe est un artiste.” » Une réponse bien comprise par le jeune homme, comme le démontre son parcours.

 

Cet article est à retrouver dans Fisheye #46, en kiosque et disponible ici

 

America

Du 11 mars au 30 avril 2021

Fisheye Gallery


2, rue de l’Hôpital-Saint-Louis, à Paris (10e)

© Alain Keler / Myop

© Alain Keler / Myop

© Alain Keler / Myop© Alain Keler / Myop

© Alain Keler / Myop© Alain Keler / Myop© Alain Keler / Myop

© Alain Keler / Myop

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